Nouvelle-Aquitaine Initiative pour une agriculture
Citoyenne et Territoriale

Comme chaque année depuis 2013, des dizaines d’organisations de la société civile et paysannes et des citoyen·nes feront entendre leur voix pour exiger la fin de ce système agro-industriel dont nous sommes tous·tes victimes à différentes échelles et promouvoir un autre modèle agricole et alimentaire. Nous réclamerons un changement radical pour une agriculture respectueuse des sols, des ressources en eau, de la biodiversité, de notre santé et des conditions de vie des paysan·nes.

Nous réclamerons un changement radical

La crise agricole de l’année 2024 a permis de mettre en lumière les nombreuses problématiques que rencontrent les agriculteur·rices pour vivre dignement tout en ayant des pratiques agricoles écologiques. La politique du gouvernement persiste à soutenir une PAC au rabais finançant en priorité l’agriculture industrielle, à appuyer la dérégulation des nouveaux OGM et le renouvellement du glyphosate, à signer de nouveaux accords de libre-échange, à conserver des relations de proximité très fortes avec les lobbies de l’agrobusiness, à soutenir la construction de méga-bassines…

Pour répondre à cette crise agricole, depuis début 2024, le gouvernement a préféré suivre les tenants de l’agro-industrie qui demandent une réduction des normes environnementales (suspension du plan Ecophyto, réduction du nombre de haies et de jachères, facilitation des projets d’élevage industriel…), plutôt que de s’occuper sérieusement des revenus des agriculteur·rices (prix planchers, limites des marges des acteurs de l’agroalimentaire et de la grande distribution…) et de la préservation de la biodiversité. Et ce en contradiction totale avec la décision rendue par le tribunal administratif de Paris le 29 juin 2023 dans l’affaire “Justice pour le Vivant”, dans laquelle il condamne l’État français pour inaction face à l’effondrement de la biodiversité et lui enjoint de réduire sa consommation de pesticides conformément à ses obligations nationales et européennes qu'elle s'est elle même fixée.

Alors que le Parlement s’apprête à débattre d’un texte de loi qui affaiblirait encore les garde-fous sanitaires et environnementaux, les signaux d’alerte se multiplient. La proposition de loi Duplomb, examinée en mai à l’Assemblée nationale, autoriserait à nouveau certains pesticides interdits, et placerait sous tutelle politique l’agence chargée d’évaluer leur dangerosité. Cette dérive, si elle est entérinée, marquera un tournant : celui d’un renoncement délibéré face à l’urgence écologique, sanitaire, démocratique et sociétale.

Sortir de l’agrochimie maintenant : un impératif pour la santé, le climat et la justice

De nombreuses victimes des pesticides et autres produits de l’agrochimie poursuivent encore leur combat en justice pour exiger reconnaissance et réparations. En France la résistance s’organise à l’image de l’appel de Lorient sur l’agriculture biologique en octobre 2024, le commerce équitable et l’éducation populaire, l’appel de La Rochelle sur les pesticides ou l’appel de Poitiers sur les OGM. Donnons corps à ces mobilisations tant que nous le pouvons encore et mobilisons nous pour faire gagner un autre monde que celui qu’on nous impose.

Partout sur le territoire hexagonal et dans lesdits “Outre-Mer”, les citoyennes et citoyens s’inquiètent des effets de l’agrochimie sur leur santé, les agriculteurs et agricultrices dénoncent leur dépendance aux intrants, et les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Le 17 mai prochain, à l’occasion de la Journée contre l’agrochimie, des milliers de personnes se mobiliseront pour rappeler une évidence : il est temps de sortir d’un modèle agricole qui empoisonne, détruit et enferme. 

agri solo tracteur

L’agrochimie n’a pas simplement échoué à tenir ses promesses : elle a contribué à une triple impasse.

  • Écologique, d’abord : les pesticides de synthèse détruisent les insectes pollinisateurs, contaminent les sols et les nappes, accélèrent l’effondrement du vivant.
  • Sanitaire, ensuite : cancers, maladies neurodégénératives, troubles endocriniens… les liens avec l’exposition aux pesticides sont établis, mais encore trop peu reconnus.
  • Sociale, enfin : nombre d’agricultrices et d’agriculteurs sont enfermés dans un modèle qui les endettent, isole, et rend malades. 

Derrière ce système des intérêts puissants, les géants de l’agrochimie dictent une grande partie des orientations agricoles en France, en Europe et dans le monde. Ils conditionnent l’accès aux semences, captent les revenus via la vente d’intrants, influencent les recherches, orientent les décisions publiques. C’est un système intégré, verrouillé, où les logiques de rendement à court terme écrasent toute considération pour la santé, le vivant mais aussi la dignité.

Un besoin de réinvention

Ce pouvoir, pourtant, se fragilise. La crise agricole récente l’a montré : même celles et ceux qu’on disait résignés expriment une fatigue, une colère, un besoin de réinvention. Mais cette réinvention reste étouffée, car même si les alternatives sont là — agroécologie, polyculture-élevage, autonomie semencière, pratiques sans intrants —, elles peinent à se développer dans un environnement institutionnel et économique bâti pour l’agrochimie.

Des agriculteurs heureux travaillant en collectif

Sortir de ce modèle suppose une rupture, avec une réorientation profonde des politiques publiques : subventions, fiscalité, recherche, éducation, distribution. Il faut une reconnaissance claire des victimes de l’exposition chronique aux pesticides ainsi qu’une refondation démocratique du rapport à la terre. C’est une nécessité pour la santé publique, la biodiversité, et la durabilité des systèmes agricoles. Le débat politique en mai et la mobilisation du 17 mai rappellent une chose essentielle : face à l’urgence écologique et sociale, prolonger les logiques de l’agrochimie n’est pas une solution, mais c’est aggraver la crise que nous prétendons résoudre. Alors aurons-nous le courage de redéfinir l’agriculture comme un levier pour un monde plus sain et plus juste ?

Extraits de l'Appel pour la journée du 17 mai et la tribune dont nous sommes signataires.